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copy Luc Corbaye

La Pièce

Vie de la révolutionnaire Pélagie Vlassova de Tver
D'après le roman de Maxime Gorki
Texte de Bertolt Brecht - Musique de Hanns Eisler

1905. La Russie tsariste. L'histoire d'une vie. Le récit d'un apprentissage. Une fable qui transcende l'Histoire. Une fable à la ligne épurée. L'histoire d'une femme qui apprenant à lire un livre apprend à lire le monde. Forte de son modeste mais inestimable acquis, elle ne peut plus voir le cours de sa vie s'écouler sans mot dire. Si le monde tarde à changer, sa vision en est révolutionnée. Et celle-ci entraînera une action nouvelle. De son long apprentissage, elle retiendra : "Quand ceux qui règnent auront parlé, ceux sur qui ils régnaient parleront. Qui ose donc dire jamais?"

Informations pratiques

Du 07 novembre au 06 décembre 2008
20h15 - Du mercredi au samedi
Renseignements et réservations : 04/377 61 18

Usine CSI - Rue de Boncelles à OUGREE
(L'itinéraire flèché)

Le Lieu

Le Lieu
USINE CSI à OUGREE

mercredi 22 octobre 2008

En savoir plus sur l'histoire de "La Mère"

"La Mère" est l’histoire banale d’une femme banale, mère et femme d’ouvrier, mais pour autant, il s’agit également d’une fable universelle, aussi utile à la connaissance de notre monde que les livres d’histoire.

Voici ce qu’en dit Brecht lui-même :
« Quand j'ai écrit la pièce La Mère, d'après le livre du camarade Gorki et de nombreux récits que des camarades prolétaires avaient tirés de leur lutte quotidienne, je l'ai écrite sans discours, dans une langue parcimonieuse, posant les mots proprement, choisissant avec soin chaque geste de mon personnage, comme l'on fait pour rapporter les paroles et les actions des grands. Au mieux de mes capacités, j'ai représenté les mille processus, apparemment banals, de la vie dans des logements méprisés, au sein de la trop nombreuse multitude, comme des processus historiques, nullement moins importants que les hauts faits des capitaines et hommes d'Etat des livres de lecture. »
B. Brecht à propos de « La Mère ».

La fable que nous propose Brecht (inspirée du roman éponyme de Gorki) se situe entre 1903 et 1917 en Russie. La pièce relate donc quelques années de la vie de Pélagie Vlassova, mère de Pavel, ouvrier des usines Souchlinov, dans les derniers jours de la Russie Tsariste. Pour sauver son fils Pavel, elle entre lentement et à contre coeur dans la lutte pour le kopek.
Ce spectacle rend compte du lent et long travail d’apprentissage de la mère pour apprendre à lire au sens propre comme au sens figuré : apprendre à lire le monde, à le comprendre et à vouloir le transformer. On la voit rusée, faire douter les autres et les entraîner sur son chemin vers la connaissance.
A travers cette fable, Brecht veut affirmer que la connaissance et la compréhension du monde mènent à sa transformation.

Visite guidée du lieu

Une usine immense à investir...




Et une équipe motivée!

Pourquoi raconter cette fable aujourd'hui?

Le point de vue du metteur en scène :

"Cette pièce est écrite pour aujourd’hui. Au-delà de l’écho historique qu’elle évoque et dont nous avons besoin pour comprendre notre actualité, le texte questionne le contemporain. Avant tout, au premier degré, et si on considère notre humanité dans sa globalisation : au regard des trois milliards d’humains qui vivent avec moins de deux dollars par jour, cette pièce ne peut être lue que pour elle-même, au premier degré, comme un manifeste.
Pour nous, je parle des gens qui vivent dans un relatif confort, elle résonne différemment. C’est un appel à la revisitation de nos savoirs. Si nous savons lire et écrire (bien qu’en Belgique 10% des gens ne le savent pas, sont analphabètes, et on peut ajouter à cela 10% qui le font vraiment mal), au-delà de cette question première (et catastrophique), les autres, nous, ne savons pas lire le média dominant : la télévision, l’image, l’information et le divertissement (« l’entertainment » si cher à nos concepteurs télévisuels philo-anglo-saxons qui ne parle que des langues latines !). En son temps, c’était le journal qui dominait les esprits « cultivés », aujourd’hui, c’est l’image qui domine l’esprit du cultivé et de l’inculte. Nous ingurgitons une masse d’images très conséquentes sans dire mot. Nous ne comprenons rien mais nous faisons comme si rien ne nous échappait. Nous ne savons plus lire l’image et l’image nous phagocyte quotidiennement.
Pour nous, la fable brechtienne, celle qui supporte l’axe sémentique du récit, est la force de ce texte. Nous sommes tous des Pélagie Vlassova. Nous ne comprenons que d’un oeil le monde dans lequel nous vivons. Par belle ou par laide, il nous faudra apprendre la réalité de ce monde (et ce malgré l’image déformée de celui-ci).
Brecht nous offre un filtre de lecture nouveau, malgré les décennies de différence.
A 75 ans de distance ce texte offre encore le développement de l’idée de révolte.
Essayez de vivre sans !"


Le point de vue du maître de musique :

"Nous devons nous rappeler d’un point de vue historique que nous sommes dans un monde où il y a eu des mouvements (sans poser de jugement sur les suites et les conséquences pratiques) où des millions de gens ont voulu changer radicalement les choses, n’ont pas accepté l’état des choses. Cette pièce veut rappeler que nous vivons dans une apathie qui semble dominante. Il y a eu beaucoup de mouvements larges qui voulaient un changement radical. Le parcours de « la mère » est un exemple du chemin possible : une femme seule et perdue trouve une énergie, une deuxième jeunesse dans son engagement dans un mouvement collectif et par là, elle grandit et évolue. A travers ses choix, son travail, ses rencontres et leur objectif commun de changement, d’idéal commun, elle s’épanouit et donne un sens à sa vie, elle renoue avec son fils, avec l’humanité. Ceci s’oppose avec l’individualisme croissant d’aujourd’hui.
Le fait d’être isolé est la pire des souffrances. Le chacun pour soi actuel est représenté dans le début de la pièce. Le chemin qu’elle fait vers le collectif, c’est ce qui fait qu’elle est encore debout. Maintenant, on cherche à se replier, on essaie de se sauver soi-même mais ça ne mène à rien. Tout changement, toute évolution vient et viendra par des choix conscients et collectifs sur toutes les questions : sociales, économiques, environnementales,…
On n’arrêtera pas l’effet de serre uniquement en triant ses déchets.
Cette femme fait un choix vers la collectivité et grandit individuellement, c’était impossible si elle était restée seule chez elle, c’est le message le plus important de la pièce. Le choix de l’individualité conduit à la faire au dépend des autres. Par contre, on peut tous se mobiliser, exiger ensemble une sécurité sociale qui reste fédérale et qui reste le bien et le droit de chacun.
« La mère » a choisi entre l’individu et le collectif, chacun est libre de faire ses propres choix, c’est une erreur de vouloir les imposer mais cette femme donne à voir quelqu’un qui fait avancer les choses et qui nous prouve que ce choix est possible.
N’acceptons pas comme acquis que le chacun pour soi est la seule possibilité. D’autres chemins sont possibles que ce système où il y a un gagnant et où les autres sont dehors."

Suite de la Visite







Qui est Bertolt Brecht?

Né dans une famille bourgeoise, Brecht entreprend des études de philosophie puis de droit à Munich en 1917.
Il écrit sa première pièce à vingt ans : Baal. Cette pièce met en scène Baal, un génie qui n'aspire qu’au néant. Le héros subit, il ne revendique pas. Dans sa seconde pièce Tambours dans la ville (1922), Brecht situe l’action dans un cadre réel : l’Allemagne d’après guerre, Berlin en 1918. La pièce relate une révolution avortée : le personnage central ne peut mener une révolution car il est trop ancré dans ses valeurs bourgeoises. Cette pièce lui vaut un prix national, le prix Kleist. En 1923, Brecht est engagé comme conseiller littéraire aux Kammerspiele de Munich puis de 1924 à 1926 au Deutsches Theater à Berlin.

Le théâtre épique, forme dramatique conçue par Brecht, apparaît comme tel dans Homme pour Homme (1927). Ce style épique implique l’instauration d’une distance incitant le spectateur non à adhérer totalement à l’action et aux personnages mais à les comprendre voire à les juger. De plus, les acteurs ne doivent faire preuve d’aucune sensiblerie. Le spectateur est éloigné des personnages pour qu’il les voie avec le monde qui les entoure, pour qu’il les reconnaisse comme acteurs et produits de ce monde. Enfin l’action ne se déroule pas de façon continue mais elle est entrecoupée de commentaires tenus par chacun des personnages dont la fonction est soit explicative, soit ironique.
En 1928, l’Opéra de quat’sous marque le succès public du théâtre épique de Brecht.
Ce rôle de distanciation, de commentaire, sur le texte lui-même est le plus souvent rempli par les chants. Ecoutons ce que dit Brecht à ce sujet : « En effet, plus délibérément encore que dans aucune autre pièce de théâtre épique, on a, dans La Mère (1931), utilisé la musique pour amener le spectateur à prendre cette attitude d’observateur critique que nous avons déjà analysée. ». La musique d’Eisler n’est pas du tout ce qu’on appelle une musique simple. Elle explique et soutient la fable sans jouer sur l’émotionnel comme dans d’autres formes du théâtre chanté. Les émotions qu’elle provoque naissent de la compréhension et de l’empathie pour les héros, pas d’un enivrement superficiel.

Avec les pièces didactiques des années 1929-1932 (le Vol au-dessus de l’océan, Celui qui dit oui, celui qui dit non, etc.), Brecht développe une contre-culture révolutionnaire en jonction avec le mouvement prolétarien. Par cette forme didactique, Brecht conquiert d’autres publics que le public bourgeois : les enfants des écoles, les membres des unions de jeunes, des associations prolétariennes et surtout des chorales de travailleurs, fort nombreuses à l’époque. L’objectif avec ce type de théâtre est non pas de chercher à divertir mais à instruire, à éduquer. Il y exprime la nécessité de changer le monde mais n’explique pas le contenu de ce changement. Dans ces pièces, le révolutionnaire brechtien est seulement un type, une attitude critique pas un homme.
Dans La mère, Brecht met en scène une révolutionnaire qui agit pour changer le monde. Au départ, Pélagie est méfiante envers les révolutionnaires, et son adhésion au communisme s’opère progressivement selon un processus d’éducation, en se transformant elle-même et en transformant la société dans laquelle elle vit. La mère est le récit d’un apprentissage.
En 1933, Brecht quitte l’Allemagne pour un exil de 15 ans. Durant cet exil, il écrira de nombreux poèmes, des textes théoriques, des romans et plus de dix pièces qui constituent son répertoire le plus populaire : Mère Courage et ses enfants, Le cercle de craie caucasien, etc. En 1948, il part à Berlin-Est où il fonde en 1949 le Berliner Ensemble avec son épouse, la comédienne, Helene Weigel. Désormais, Brecht consacre l’essentiel de son activité à diriger cette troupe et à expérimenter son oeuvre avec elle.

Qui est Hanns Eisler?

Hanns Eisler, né le 6 juillet 1898 à Leipzig, mort le 6 septembre 1962 à Berlin-Est, fut un théoricien musical et compositeur germano-autrichien politiquement engagé. Dès son enfance Hanns Eisler fut attiré par les idéaux communistes (en partie sous l'influence de sa soeur et son frère) et cet élan marquera sa création musicale. En 1919, il commence à étudier avec Arnold Schönberg. En 1920, il dirige deux choeurs d’ouvriers « stahlklang » (son de l’acier) et « Karl Liebknecht ». C'est à partir de son installation à Berlin en 1925 que cette tendance vers une musique résolument politique se confirma. Il se détache de Schönberg et s'oriente vers des formes musicales plus populaires, influencées par le jazz et le cabaret.
Eisler se rapprocha du parti communiste allemand. C'est dans ce contexte que débutera sa collaboration avec Bertolt Brecht qui ne cessera qu'avec la mort de ce dernier en 1956. Hanns Eisler écrivit la musique de plusieurs pièces de Brecht : Die Massname, Die Mutter (d'après un roman de Maxime Gorki de 1907), Galileo, Furcht und Elend des Dritten Reiches, "Die heilige Johanna"
Eisler et Brecht ont aussi produit des chants politiques qui ont joué un rôle dans les années agitées de la République de Weimar au début des années 1930. Ainsi, la Solidaritätslied (1932) du premier film parlant « prolétarien » Kuhle Wampe. Il rencontra en 1933 à Paris les comédiens du groupe "Octobre", et mit en musique deux poèmes de Jacques Prévert: "Histoire du cheval" et "Vie de famille". Dès 1933, la musique d'Eisler et la poésie de Brecht furent bannies par le parti nazi. Comme beaucoup d’autres de cette génération anti-nazi, il trouva refuge aux États-Unis. Eisler enseigna à la New School University à New York et composa de la musique de chambre expérimentale. Peu avant le début de la Seconde Guerre mondiale, il déménagea à Hollywood et composa la musique de nombreux films (Hangmen Also Die de Fritz Lang, None but the Lonely Heart, The 400 Millions de Joris Ivens…) Mais dès 1945, les États-Unis sont sous l'emprise de tendances anti-soviétiques. Hanns Eisler fut inquiété par la Commission des activités non-américaines. Après deux auditions, Eisler fut accusé d'être « le Karl Marx de la musique » et l'agent soviétique à Hollywood. Il fut, comme de nombreux artistes comme Brecht ou Chaplin, contraint de quitter les États-Unis en 1948. Hanns Eisler s'installa à Berlin Est. Il continua à composer, à enseigner au conservatoire. Il composa l'hymne national Auferstanden aus Ruinen de la République démocratique allemande (RDA). Il composa la musique du film « Nuit et brouillard » d'Alain Resnais en 1954. Il mourut en 1962 et est enterré près de Brecht au cimetière de Dorotheenstadt.

Qui est Patrick Bebi, le metteur en scène de la pièce?

Diplômé de l’Ecole d’Art dramatique du Conservatoire de Liège, Patrick Bebi est comédien et metteur en scène.
Il a participé à de nombreux spectacles en tant que comédien dont les plus actuels sont : « Appunti per un film su la lotte di classe » et « Cecafumo » de et mis en scène par Ascanio Celestini, présenté en ouverture du Théâtre National en 2007 et du Festival de Liège 2005 et « Exercices de Démocratie », lecture-spectacle mise en espace par Françoise Bloch, présentée au Théâtre National en septembre 2006.
Parallèlement à ces projets, il se consacre principalement à la mise en scène et à la pédagogie. En effet, il est conférencier depuis 1998 à l’Ecole d’Acteurs du Conservatoire de Liège. Il y a notamment travaillé certains Passages Obligés de l’école comme le Jeu Epique et les Etudes Stanislavskiennes (autour de la création du personnage). Il anime également divers ateliers (à titre d’exemples : créations avec des détenus de l’établissement pénitentiaire de Lantin, atelier pour adultes et adolescents dans le cadre des Ateliers d’Art Contemporain, ateliers à l’institut hospitalier du Petit-Bourgogne, ateliers pour la Compagnie le Grandgousier,…).
Sa pratique de metteur en scène est riche et variée. Depuis une vingtaine d’années, il a multiplié les expériences, dans les secteurs professionnel et amateur, telles que « Faut pas payer » de Dario Fo et mis en scène par Lorent Wanson, « L’île aux esclaves » de Marivaux et mis en scène par Jean-Claude Berutti (tous deux comme assistant à la mise en scène, dans le cadre du Studio des Jeunes Acteurs au Théâtre National), « Grand’Peur et Misère du IIIème Reich » de Bertolt Brecht, « Comment les trous viennent au fromage – Cabaret » d’après Brecht/Tucholski), « Les Olives noires – Première pression à froid », création – spectacle chanté, « L’Opéra de Quat’sous » de Bertolt Brecht et tout dernièrement « Genova 01 » de Fausto Paravidino,…